21/03/2025
Dans un contexte de rigueur budgétaire, la question du financement de l’apprentissage cristallise les tensions entre intérêt général et impératifs économiques. Ce système, censé allier formation initiale et immersion en entreprise, se trouve aujourd’hui au cœur d’un débat sur la définition de son « juste prix ».
En théorie, l’apprentissage relève d’une mission éducative fondamentale, inscrite dans le Code du travail comme un pilier de la formation initiale. Pourtant, cette mission s’inscrit dans un marché ouvert où la création de centres de formation d’apprentis (CFA) est libre et peu encadrée, y compris pour les acteurs privés à but lucratif. Ainsi, les symboles républicains côtoient parfois les dividendes versés à des actionnaires, illustrant une tension persistante entre service public et recherche de rentabilité.
Au cœur de cette problématique, une question demeure : comment fixer un prix qui soit à la fois juste et cohérent avec les objectifs éducatifs ? Qui, dans cette chaîne complexe, est véritablement le client du CFA ? L’entreprise, bien que partie prenante du contrat, supporte rarement le coût réel de la formation, largement pris en charge par les opérateurs de compétences (Opco). Les apprentis, eux, accèdent à une formation gratuite, tandis que les Opco appliquent des barèmes sans réelle capacité de négociation.
Ce système s’appuie principalement sur les niveaux de prise en charge (NPEC), définis par les branches professionnelles ou l’État. Mais ces barèmes standardisés ne tiennent pas compte des disparités entre CFA : équipements spécifiques, besoins particuliers des apprentis, modalités pédagogiques, ou encore coûts liés à l’emplacement géographique. L’uniformité du financement masque ainsi une réalité bien plus hétérogène.
Des ajustements existent, comme les majorations pour les CFA accueillant des jeunes en situation de handicap ou situés dans des zones prioritaires. Mais ces modulations restent rares et limitées. D’autres, comme les minorations pour les CFA bénéficiant déjà de subventions, restent inopérantes faute de textes d’application.
Face à ces limites, des voix s’élèvent pour réclamer une refonte du système. Certains réseaux historiques militent pour une approche plus fine, tenant compte de la qualité des formations et des spécificités locales. L’enjeu : sortir d’un financement figé pour aller vers une reconnaissance plus juste des efforts et des réalités de terrain.
Derrière cette réflexion se profile une interrogation plus profonde : l’État doit-il endosser pleinement le rôle de client des CFA, et non plus seulement celui de régulateur ? Une telle évolution soulèverait de nombreuses questions sur l’équité, la transparence et la concurrence entre établissements.
Le débat reste ouvert, mais une chose est sûre : le « juste prix » de l’apprentissage ne se limite pas à une question comptable. Il touche au cœur du modèle éducatif français et à la place que la société souhaite accorder à la formation de sa jeunesse.
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